Vingt Dieux - Louise Courvoisier

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  • Entretien avec Elio Balezeaux – Chef opérateur

Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec la réalisatrice Louise Courvoisier sur ce projet ?

Nous nous connaissons avec Louise depuis plusieurs années, avant même de rentrer tous les deux a la cinéfabrique, ces années d’amitié font que nous avons une grande complicité artistique, nous connaissons nos cinémas, nos sensibilités, nos forces et nos différences. Nous avions déjà fait un film documentaire ensemble, Roule Ma Poule, tourné dans le Jura également. L’identité du film s’est surtout trouvée de manière très empirique, avec beaucoup de repérages, même des mois avant la prepa, Louise vivant dans le Jura nous avons beaucoup arpenté des lieux proches du film, noté ce qui nous semblait juste, cohérent. 

Nous voulions donner à ce film social, ancré dans une jeunesse et un territoire une forte puissance cinématographique sans devenir complètement stylisés, hors sol. Nous nous sommes inspirés de la manière dont le cinéma américain (mais pas que) notamment les western peuvent filmer la ruralité d’une manière plus grandiose qu’une naturalisme cru.  Nous voulions sublimer les gens, les lieux, tout en gardant un ancrage fort dans le réel par les décors, les costumes, la lumière. 

Le film se déroule dans le Jura, comment avez-vous utilisé la photographie pour capturer l'atmosphère et le caractère unique de cette région?

Louise voulait tourner en anamorphique, pour toutes les raisons citées plus haut, mais aussi car le rapport entre les corps et les décors en anamorphique est particulier, très physique, mais aussi car cela apporte une dimension presque romanesque aux paysages. Louise et moi avons des intuitions de cadre qui se développent souvent en longue focale et encore une fois l’anamorphique permettait d’ancrer fortement le décors même dans des plans serrés. 

Beaucoup de séquences du film se passent à l’aube ou au crépuscule où les lumières sont très marquées et subliment ces plaines et collines, notamment avec ces brumes du matin très chères a Louise. D’un autre coté nous voulions assumer la rudesse du soleil caniculaire de cet été, et la très forte densité des nuits en pleine campagne. 

Vingt Dieux aborde des thèmes de responsabilité familiale et la quête de reconnaissance. Comment avez-vous utilisé la lumière et la composition?

Ce sont des discussions que nous avons finalement assez peu eues. Nous sommes tous les deux assez empiriques dans notre démarche, et aimons beaucoup partir des lieux choisis, de ce qu’ils proposent et de nos intuitions pour découper mais aussi pour construire la lumière. Disons plutôt que nous avons trouvés des méthodes et des types de lumières, de cadre, de découpages qui faisaient sens de manière assez globale dans le film et les avons déclinés en fonction des séquences. 

Nous avions une attention particulière à la juste distance à nos personnages, à sublimer les corps. Le découpage est souvent assez posé, fixe ou panos (tout le découpage a été pensé sur les lieux) avec de fortes accélérations et mouvement qui viennent parfois trancher, mais aussi des séquences à l’épaule tournées de manière beaucoup plus documentaire autour d’un évènement réel, le vêlage d’une vache, la fabrication d’un fromage, une course de stock car… Ces différents découpages se répondent et sont amenés par l’énergie de notre personnage principal qui est vraiment le pivot de la mise en scène, mais nous n’avions pas de dogme théorique.

Pourquoi avez-vous choisi de tourner "Vingt Dieux" avec des optiques Lomo anamorphiques ?

Nous avions tournés avec Louise ce documentaire, Roule Ma Poule, avec une f55 et un zoom lomo sphérique « foton » et nous avions vraiment adoré le rendu de cette optique, le rendu des peaux était magnifique, très chaleureux, et sa douceur à fort en étalonnage sans devenir du dans les matières, nous avons voulu retrouver cela dans Vingt Dieux et ces Lomo Roundfront anamorphiques nous ont tout de suite plus, car elles avaient les qualités de ce zoom, (mais aussi les mêmes défauts : mécanique d’un autre temps, difficiles à pointer, parfois vraiment trop baveuses a pleine ouverture) elles sont très marquées visuellement, mais aux diaphs utilisés ( 4 et 5.6 de jour, 2.8 de nuit) ne sont à mon sens pas trop « vintage », elles ne déforment pas excessivement, ont le piqué que je voulais pour ce film (entendons nous, très peu piqué) et même ses flairs vraiment too much nous ont plus. 

Ça peut sembler bizarre à dire mais j’ai vraiment trouvé que ces optiques « allaient » à nos comédiens, elles les sublimaient, et la rigueur du choix de focale (un 50 avec doubleur et un 75) nous a permis de trouver la distance juste et la sensation à la fois d’une distance romanesque et d’une forte proximité qui est le fil conducteur de la cinématographie du film. 

Pour la camera nous avons fait des essais avec une Red helium et une Mini et avons choisi l’Alexa mini, car c’est une caméra dont j’adore le grain numérique a 2000 iso, que je trouve assez organique, là ou celui de la red était plus fourmillant, parfois désagréable dans les très basses lumières que je voulais de nuit, mais aussi simplement car je la connais bien et qu’elle est versatile et fiable. Nous préférions au départ les couleurs de la Red mais avons confectionné une LUT sur l’Alexa pour le tournage, assez contrastée et saturée avec Gadiel l’étalonneur qui m’a beaucoup plu. 

Quelles ont été vos principales inspirations visuelles pour ce film ?

Il est dur de dire vraiment quels cinéastes ou œuvres ont été spécifiquement des influences. Disons qu’il y avait un très large panel de films et de courant qui nous ont intéressés pour certaines spécificités, comme dit plus haut pas mal de western, beaucoup de cinéma américain filmant la ruralité, toutefois, un film brésilien, Neon Bull, pour la durée de ses plans, ses cadres, sa lumière est souvent revenu dans les discussions. Aussi étonnant que cela puisse paraitre quand on voit le film, Louise m’a montré beaucoup de blockbusters, Fast and Furious, magic mike… il peut sembler difficile de voir le lien entre ces films et celui de Louise au premier abord mais il est certain que ces films ont infusés quelque part dans cette volonté de faire un pas de côté d’un pur naturalisme.

En tant que jeune chef opérateur, quelles ont été vos plus grandes leçons ou découvertes lors du tournage de Vingt Dieux ?

J’ai essentiellement fait du documentaire ou du court métrage vraiment très indé avant de tourner vingt dieux avec Louise, mais je dirais que ce qui m’a beaucoup stimulé au delà de notre très belle collaboration avec Louise et de son travail de mise en scène et de direction d’acteur, a été de chercher avec toute mon équipe image, électricité, machinerie, mais aussi beaucoup la déco l’équilibre entre cet ancrage presque documentaire aux acteurs (non pro) et au territoire et cette part plus stylisée, car cet équilibre se joue partout, au cadre, à la profondeur de champs, à la dureté d’une direction de lumière ou sa couleur, à la texture d’un fromage, à la patine des mains d’un comédien … et je suis vraiment reconnaissant à mon équipe qui m’a accompagné dans ce premier long de fiction et m’a vraiment mis en confiance tout au long de l’aventure. 

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